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Rupture brutale d’une relation commerciale établie…suis-je concerné(e) ? (2/3)

Photo du rédacteur: Beside - actusBeside - actus

Dernière mise à jour : 4 avr. 2024



En complément de son premier article sur la notion de « relation commerciale établie », Beside Avocats vous apporte des précisions sur la notion de « brutalité de la rupture » d’une relation commerciale établie et vous fait ainsi partager son expertise du contentieux commercial et des affaires.


Pour rappel l’article L.442-1, II du Code de commerce fonde la responsabilité de toute personne engagée au sein d’une relation commerciale établie, à l’initiative de la rupture « brutale » de cette relation et l’oblige à indemniser la partie qui en subi le préjudice.


L’objectif de l’article L.442-1, II du Code de commerce n’est donc pas de sanctionner la rupture d’une relation commerciale établie, ce qui serait contraire à la liberté du commerce, mais de protéger le partenaire de la brutalité de cette rupture.


Encadrée par la loi et appréhendée par la jurisprudence, la notion de brutalité n’est pas évidente à mettre en application. Il est pourtant essentiel de la comprendre afin soit d’éviter que la rupture site qualifiée de brutale, soit de réagir rapidement si la brutalité de la rupture vous cause préjudice.

Ce sujet étant au cœur de toute l’activité économique, Beside Avocats s’attache à éclairer ses clients, tout en ciblant leurs activités pour leur apporter un conseil sur-mesure.

 

I.   Une Rupture 

La « rupture » visée par l'article L. 442-1 II du Code de commerce est un concept différent des autres moyens tels que la résolution ou la nullité qui permettent de mettre fin à une relation commerciale.


De manière générale, il est possible de définir la rupture comme l’acte par lequel l’un des partenaires informe l’autre de sa volonté de cesser la relation commerciale établie. L’autonomie de cette notion implique donc qu’elle sera appréciée en fonction des circonstances de fait qui l’entourent.


Une grande partie du contentieux concerne la forme de la décision de rupture (1), son caractère délibéré (2) et l’ampleur de son effet : cessation totale ou partielle de la relation (3).

 

1.      La rupture doit résulter d’une décision même non explicite

Dans la mesure où la loi n’impose pas de modalités particulières, l’auteur de la rupture peut librement choisir la forme sous laquelle il souhaitera manifester son intention de ne pas poursuivre la relation.


Cette liberté est d’ailleurs confirmée par la jurisprudence qui apprécie de manière très souple la forme de la rupture et considère comme valant notification de rupture :

  • La notification d’une procédure d’appel d’offres (Cass. com., 5 janv. 2016, n° 14-25.397 ; Cass. com., 31 mars 2021, n° 19-14533),

  •  Une lettre informant le partenaire que les perspectives d'évolution du marché ne permettent de lui garantir, au-delà de la fin de l'année, ni sa part de marché, ni son chiffre d'affaires, et l'invitant en conséquence à réorienter son activité (Cass. com., 24 sept. 2013, n° 12-23.353).

 

2.      La rupture doit résulter d’une décision délibérée

La responsabilité du partenaire à l’initiative de la rupture ne pourra être engagée que si la rupture lui est imputable et qu’elle n’est pas liée à un accord commun des parties.


Concrètement, cela implique que la rupture résulte d’une décision volontaire de la part de l’un des partenaires et pas seulement d’un échec des négociations sur le prix du nouveau millésime entre un producteur de vin et son distributeur (Cass. com., 3 juill. 2019, n° 18-10.580).


La jurisprudence exerce donc un contrôle sur le caractère imputable de la décision et la réalité de la négociation effectuée entre les parties. Aussi, elle a pu juger qu’il n’y avait pas eu de vraie négociation entre la société de production de Thierry Ardisson et le Groupe Canal + mais une tentative de modification substantielle de la relation, équivalente à une rupture de la relation commerciale établie (Cass. com., 19 oct. 2022, n° 11-22.802).

 

3.      Une décision entraînant une rupture totale ou partielle de la relation

Si la rupture s’entend à première vue d’une cessation totale des relations commerciales établies, elle est aussi admise en cas de cessation partielle de l’activité entre les partenaires. Dans ce cadre, la difficulté est donc de déterminer le seuil à partir duquel la décision relative à la diminution du flux d’affaires déséquilibre l’économie générale de la relation commerciale et constitue une rupture.


La jurisprudence donne des illustrations intéressantes pour bien comprendre la notion de rupture partielle. Ainsi, au titre de l'article L. 442-1 II du Code de commerce elle sanctionne la rupture partielle des relations commerciales établie dès lors que celle-ci emporte une réduction substantielle et sensible des commandes qui entrainent corrélativement une baisse du volume d’affaires, même si elle laisse subsister un courant d’affaire sur d’autres produits (CA Paris, 5 janvier 2017 n° 15/02234).


Le traitement de ce sujet reste assez technique et nécessite au préalable de vérifier que la baisse de volume ne résulte pas de l’application d’une clause contractuelle organisant la variation des volumes (CEPC, avis n°16-18, 14 déc. 2016) ou alors qu’elle n’est pas la conséquence d’un désintérêt du public pour le produit en cause auxquels cas la qualification de la rupture pourra être écartée.

 

Attention: la nature de la rupture partielle importe peu, elle ne se cantonne pas à la modification tarifaire et peut également être non tarifaire : réduction d’un budget alloué, suppression d’une exclusivité (Cass. com., 19 octobre 2022, n° 21-22.802 et Cass. com., 31 mars 2015 n°14-11.329).

 

 

II. Une rupture brutale

 

L’article L.442-1 II du Code de commerce sanctionne la brutalité de la rupture d’une relation commerciale établie, qui est caractérisée par l’absence de préavis laissé au partenaire ou l’insuffisance de la durée du préavis accordé au partenaire.


En pratique cela implique deux points : d’une part que le préavis accordé soit réel et suffisamment long, et d’autre part qu’au cours de l’exécution du préavis les modalités d’exécution de la relation commerciale soient maintenues dans leurs conditions antérieures à l’annonce de la rupture (Com., 24 juin 2020, n°18-25.517).

 

La grande majorité du contentieux en la matière se cristallise sur la détermination de la durée du préavis consenti et sur l’appréciation de cette suffisance puisque le législateur a fait le choix de ne pas encadrer de manière stricte la durée du préavis mais d’en donner des clés d’appréciation.

L’article L.442-1, II du Code de commerce pose comme seule indication que la durée du préavis « doit notamment tenir compte de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords professionnels ».


A travers cette disposition le législateur a tenté de concilier son objectif de respecter le principe de la liberté du commerce et sa volonté tenir compte dela réalité économique des relations commerciales. L’intention sous-jacente est ici d’inciter les juridictions à préserver un équilibre juste et équitable entre les droits et intérêts de toutes les parties dans les relations. Ce qui implique que la durée du préavis ne sera pas la même d’une relation à une autre et d’une activité à une autre ! Beside Avocats conseille à ses clients de s’assurer que le partenaire subissant la rupture bénéficie d’un délai suffisant pour réorganiser son activité.

 

L’article L.442-1 du Code de commerce ne fixant pas d’indications quantitatives, il convient d’apprécier la durée de la relation en cause pour en dégager la durée raisonnable du préavis à accorder. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a pu relever un certain consensus à accorder un préavis d’un mois par année d’ancienneté et en moyenne un préavis variant de six à douze mois pour les relations ayant duré moins de 10 ans.

 

Toutefois, l’appréciation de la durée de la relation commerciale n’est pas le seul élément à prendre en compte pour déterminer la durée du préavis à accorder. En effet la jurisprudence a pu retenir la prise en compte de différents paramètres et a admis que soit pris en compte :

  • D’autres circonstances au moment de la notification de la rupture (Com., 1er juin 2022, n° 20-18.960) ;

  • Le volume d’affaire, la notoriété du client, le secteur concerné, le caractère saisonnier de l’activité, le temps nécessaire pour trouver un autre partenaire (Com. 10 novembre 2021 n° 20-13.385 et 16 février 2022 n° 20-13.385)

  • La notoriété du produit et son caractère difficilement substituable (CA Paris, 13 septembre 2017 n° 14/25528)

  • Les caractéristiques du marché en cause (Com., 31 janvier 2012, n° 11-12.899).

En tout état de cause, l’article L.442-1 II du Code de commerce fixe depuis 2019 (ordonnance n° 2019-359) un délai de sécurité de 18 mois, au-delà duquel et lorsqu’il est respecté, l’auteur de la rupture n’engage pas sa responsabilité.

 

 

III. Les causes d’exonération


L’article L.442-1, II du Code de commerce n’exige pas l’existence d’une motivation de la décision de rupture, ce qui implique que celui qui est à l’initiative de la rupture n'a pas à justifier des motifs de la rupture ni même des circonstances de la rupture (Cass. com., 25 avr. 2001 : D. 2001, somm. p. 323. - Cass. com., 10 juin 1986 : Bull. civ. IV, n° 123).


La règle se comprend assez facilement au regard de l’objectif de protection du partenaire qui subit la rupture de l’article L.442-1 II du Code de commerce, puisqu’il ne faudrait pas qu’une motivation régulière puisse légitimer un comportement brutal.

 

Néanmoins, l’article L.442-1 II du Code de commerce liste deux circonstances qui dispensent les partenaires de la relation de respecter un préavis : l’existence d’une faute imputable au partenaire ou d’un cas de force majeure.

 

Pour se prévaloir de la première cause d’exonération, le partenaire à l’initiative de la rupture devra prouver que son cocontractant a commis un manquement suffisamment grave dans l’exécution de ses obligations (Cass. com., 14 oct. 2020, n° 18-22.119 et Cass. com., 15 janv. 2020, n° 18-15.431).


La force majeure ne justifie quant à elle une rupture sans préavis qu’à condition que l’évènement à l’origine de la rupture réunisse toutes les conditions imposées par l’article 1218 du Code civil : c’est-à-dire être imprévisible, irrésistible et extérieur à la personne qui s'en prévaut.


Attention, s’il est jugé que le manquement n’atteint pas le seuil de gravité requis ou ne correspond pas à un cas de force majeure, les conséquences pour l’auteur seront d’autant plus lourdes à gérer puisque le préavis ne pourra être écarté et sa responsabilité sera pleinement engagée. Dans la mesure où l’appréciation de ces deux notions relève du pouvoir souverain des juges du fond, il convient donc d’être particulièrement vigilant sur leur caractérisation !

 

La question s’est donc posée de savoir si la rupture des relations causée par une conjoncture économique difficile était de nature à justifier la décision de rompre les relations et donc à exclure la responsabilité ?

Si la réponse a d’abord été mitigée, la Cour de cassation a désormais consacré qu’une conjoncture difficile liée à une crise économique ou à une baisse d’activité générale, pouvait être un argument de nature à justifier la décision de la rupture et donc à exclure toute responsabilité, sous réserve que la baisse imposée ne soit pas disproportionnée à la baisse subie.


C’est en 2013 que la Cour de cassation a affirmé sa position en écartant l’existence d’une rupture brutale d’une relation commerciale établie en relevant que la diminution significative du volume de commande auprès du sous-traitant était liée à la diminution des propres commandes du donneur d’ordre de sorte que la baisse des commandes n’était pas une décision délibérée et donc ne lui était pas imputable (Cass. com., 12 févr. 2013, n°12-11.709).


Elle a par la suite renouvelé sa position au sein d’un arrêt rendu en novembre 2017 dans lequel elle soutenait que la baisse des commandes inhérentes à un marché en crise n’engage pas la responsabilité du donneur d’ordre qui ne pouvait être contraint de maintenir un niveau d’activité auprès de son sous-traitant lorsque le marché lui-même diminue (Cass. com., 8 nov. 2017, n° 16- 15.285).


Enfin encore plus récemment, la Cour de cassation a assuré que la rupture d’une relation commerciale établie n’est pas imputable à son auteur dès lors qu’elle est justifiée par la baisse d’activité, consécutive à la crise économique (Cass. com., 6 févr. 2019, n°17-23.361) ou encore lorsque le partenaire refuse la proposition d’adaptation du contrat commandée par l’évolution économique (Cass. com., 1er déc. 2021, n° 20-19.113).

 

Aucune situation n’étant similaire et appréciée de la même manière par les juridictions, Beside Avocats apporte à ses clients toute son expertise tant dans la phase d’analyse et de conseil en amont de la rupture que dans la phase de stratégie à mener post-rupture.


La méthode de Beside Avocats est de privilégier les résolutions rapides des litiges. Pour ce faire, le cabinet essayera toujours la phase amiable et la négociation avec votre partenaire. En cas d’impossibilité et lorsque les faits sont avérés, Beside Avocats fera délivrer une assignation et engagera les procédures utiles à la protection de vos intérêts, ou assurera votre défense dans le cadre de telles procédures.

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