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Réparation et évaluation du préjudice lié à une rupture brutale des relations commerciales établies

Dernière mise à jour : 6 mai

L’article L.442-1 II du Code de commerce dispose que celui qui rompt brutalement une relation commerciale établie engage sa responsabilité civile délictuelle à l’égard de son partenaire.

Sur le fondement de cette disposition, le partenaire victime peut solliciter la réparation par équivalent des préjudices subis. Cette indemnisation correspond au paiement de dommages et intérêts.

 

L’enjeu de cette action porte principalement sur la maîtrise de l’évaluation du préjudice de la victime. En effet, il est essentiel tant pour l’auteur de la rupture qui a souhaité réorienter son activité que pour la victime qui cherche à réorganiser son réseau, d’anticiper le montant du préjudice susceptible d’être indemnisé.


Au mieux cette prévision offre aux parties la possibilité de transiger amiablement et d’éviter un contentieux, au pire elle permet d’évaluer le montant d’une éventuelle future condamnation.

 

En l’absence de disposition légale, la jurisprudence a progressivement établi une méthode d’évaluation du préjudice, déterminée au regard de la durée du préavis qui aurait dû être respecté lors de la rupture (1) et des gains manqués (2).


Tout autre préjudice est difficilement réparable sur le fondement de l’article L.442-1 II du Code de commerce (3).

 

1.      Durée du préavis :

L’article L.442-1 II du Code de commerce sanctionne le préjudice résultant de la brutalité de la rupture d’une relation commerciale établie en cas d’absence ou d’insuffisance de préavis.

En pratique cela emporte deux conséquences :

- Pour évaluer le préjudice de la victime, les juridictions saisies sur ce fondement doivent tenir compte de l’inexistence ou de l’insuffisance du préavis accordé par rapport à la durée de préavis qui aurait dû être accordée (Com., 20 mai 2014, n° 13-16.398).


 Il est donc primordial de déterminer la durée de préavis qui aurait dû être appliquée.

 

- Seuls les préjudices causés par la brutalité de la rupture et non ceux résultant de la rupture elle-même doivent être indemnisés (Com. 7 décembre 2022, n°21-17.850).


En pratique l’indemnisation de ce préjudice correspond au « gain manqué » de la victime.


En revanche, ne peuvent être pris en compte dans le cadre de cette indemnisation le coût des licenciements du personnel consécutifs à la rupture (Cass. com., 11 juin 2013 n°12-20.846) ou la perte de valeur du fonds de commerce (Cass. com., 28 mai 2013, n°12-19.147).

 

2.      Evaluation du préjudice :


Jusqu’en juin 2023, s’il était établi que le préjudice indemnisé devait correspondre à la perte de la marge que la victime pouvait espérer réaliser pendant la durée de préavis qui aurait dû lui être accordé, il n’existait pas de lignes directrices fermes encadrant la méthode d’évaluation du préjudice.


L’une des causes à cette absence de règle tenait au fait que la notion de « marge » n’était pas unanimement définie. C’est d’ailleurs ce que rappelle la Cour d’appel de Paris dans sa fiche n°6 « si la notion de marge est fréquemment utilisée en comptabilité, en gestion, en finance, disciplines dans lesquelles on parle de marge brute, marge commerciale, marge sur coûts variables, marges sur coûts directs, ces termes ne sont cependant pas normalisés ».

 

En pratique, les juridictions s’attachaient donc simplement à respecter le principe du droit commun de la responsabilité civile délictuelle qui est de réparer intégralement le préjudice sans perte, ni profit pour la victime.


Ce principe présente l’avantage de laisser les juridictions exercer leur pouvoir souverain d’appréciation et donc de rendre des décisions adaptées à chaque situation.

 

Par son arrêt du 28 juin 2023 (n°21-16.940) la Cour de cassation précisé la méthode d’évaluation du préjudice à retenir.

La portée de cet arrêt est d’unifier les décisions relatives à l’indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Désormais la méthode est la suivante :

(i) Evaluer la marge brute escomptée.


La marge brute escomptée est définie comme la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés que la victime aurait dû supporter pendant la durée du préavis qui aurait dû être respecté.


La Cour ajoute que peut être déduite la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture.


En effet, pour réaliser son chiffre d’affaires, le cocontractant victime aurait nécessairement engagé des charges (ex : achats, personnel, locaux, assurances) de fonctionnement, qu’il convient donc de déduire.

 

En pratique il convient de calculer la moyenne mensuelle de cette marge brute sur les exercices précédant la rupture puis de la multiplier par le nombre de mois de préavis dont aurait dû bénéficier la victime de la rupture.


Bien que la marge de certaines années puisse être retraitée pour éviter la prise en compte d’évènements atypiques, le préjudice ne correspond en tout état de cause ni au chiffre d’affaires pur ni à la marge dite « commerciale », résidant dans la différence entre le prix d’achat et le prix de vente d’un produit.


En tout état de cause la reconversion effective de la victime intervenue après la rupture, ne peut venir modérer l’évaluation de ce gain manqué, compte tenu de la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation, qui exige une évaluation au moment de la rupture, sans tenir compte des circonstances postérieures à celle-ci (Cass. com., 4 octobre 2016, n°15-14025).

La marge brute escomptée ainsi calculée constitue le préjudice.

 

(ii)                Comparer la marge brute escomptée à la marge effectivement perçue.


Dans le cas d’une rupture partielle des relations commerciales établies ou de l’exécution d’un préavis insuffisant ayant déjà entrainé le règlement d’une partie de la marge brute escomptée, il convient de comparer la marge réalisée à celle qui aurait dû être générée si le préavis avait été correctement exécuté.


Le préjudice du cocontractant victime correspondra alors à la différence entre la marge brute escomptée et la marge effectivement réalisée.

 

3.      Autres préjudices réparables

En raison du principe d’indemnisation des seuls préjudices résultant de la brutalité de la rupture, il est rare que les juridictions retiennent d’autres préjudices que celui lié à la perte de marge brute.


Les juridictions estiment en général que la réparation d’un autre préjudice n’est pas rattachée à la brutalité de la rupture mais à la rupture elle-même, qui est en soi licite.


Néanmoins, selon les circonstances les tribunaux peuvent estimer que l’indemnisation de la victime s’étend aux pertes annexes.


A titre d’exemple, la soudaineté de la rupture a pu justifier l’indemnisation des frais et investissements engagés, sous réserves qu’ils n’aient pas été amortis et qu’ils aient été réalisés en raison des perspectives commerciales et de la pérennité de la relation (CA, Aix-en-Provence, 2 mars 2011 n°10/01905).


Il a également été retenu qu’un préjudice moral puisse s'inférer du caractère brutal de la rupture (Com. 5 avril 2018, n°16-26.568).

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